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État actuel: Devant le Comité des droits de l’enfant ONU
Dernière mise à jour: 3 novembre 2025
Canton: Argovie
Dans le canton d’Argovie, une famille tente de scolariser sa fille Emma C.* dans une classe inclusive. Sur recommandation du Service de psychologie scolaire (SPS), le conseil communal avait ordonné la scolarisation séparative de cette enfant atteinte de paralysie cérébrale en 1re classe de l’école primaire. La famille porte cette décision devant le tribunal avec le soutien de we claim.
Les enfants en situation de handicap tirent en règle générale le meilleur profit de l’école en suivant l’enseignement en classe ordinaire. C’est pourquoi il s’applique, d’un point de vue juridique, le principe de la primauté de l’enseignement intégratif sur l’enseignement séparatif. Or en Suisse, la mise en œuvre de l’enseignement intégratif est hésitante. Selon le Rapport sur l’éducation en Suisse 2023, plus de la moitié des élèves bénéficiant de mesures renforcées en pédagogie spécialisée sont toujours scolarisés dans une classe spéciale ou dans une école spécialisée (état 2020/2021).
Les autorités scolaires prétendent souvent, sans autre examen plus approfondi, que l’enseignement dans une école spécialisée est plus favorable à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le placement dans une école spécialisée s’avère dans la plupart des cas irréversible. Il peut durablement marquer le parcours scolaire de l’enfant et conduire, à long terme, à une vie dans la ségrégation.
Lors de son premier examen de la Suisse, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a critiqué la proportion élevée d’enfants qui suivent l’enseignement spécialisé.
En Suisse, il est fréquent que des enfants soient scolarisés – prétendument pour leur bien – dans une école spécialisée, de manière souvent hâtive et sans solliciter l’avis de professionnel-le-s spécialisé-e-s. Ce en dépit des connaissances scientifiques actuelles, selon lesquelles une école inclusive répond le mieux aux besoins des enfants, qu’ils soient en situation de handicap ou non. De telles décisions marquent durablement la vie d’un enfant. C’est pourquoi les obstacles vers la scolarisation séparative doivent être nettement renforcés. Des standards contraignants sont nécessaires : lorsqu’une autorité scolaire souhaite ordonner la scolarisation séparative d’un enfant en dépit du principe de primauté accordée à l’enseignement intégratif, elle doit procéder, d’une part, à la clarification approfondie de la situation (notamment à l’aide d’expertises établies par des spécialistes des diagnostics en question) et, d’autre part, fournir une motivation fondée de sa décision. Elle est tenue d’exposer et de démontrer les raisons pour lesquelles l’intérêt supérieur de l’enfant serait effectivement compromis par une scolarisation dans une école ordinaire.
L’introduction d’une telle pratique constituerait un pas important vers un paysage éducatif basé sur l’inclusion. L’objectif à plus long terme réside dans le transfert de ressources vers un système éducatif fondé sur une approche inclusive qui ne repose pas sur des structures duales. La réalisation de ce but nécessite de nombreuses adaptations supplémentaires au sein du système éducatif (mesures de soutien et méthodes d’enseignement inclusives dans les écoles ordinaires, par exemple).
Emma fréquentait le jardin d’enfants d’une école ordinaire du canton d’Argovie. Ayant un besoin accru de soutien en raison d’une paralysie cérébrale, elle bénéficiait de l’accompagnement par une personne spécialisée issue de l’école spéciale. Dans la perspective de sa scolarisation en 1re classe de l’école primaire, une évaluation par le Service de psychologie scolaire (SPS) a été effectuée. Le SPS a recommandé que l’enfant suive l’enseignement séparatif dans une école spécialisée de jour. Sur la base de cette recommandation, la commune a ordonné la scolarisation d’Emma dans une école spécialisée à partir de la 1re classe primaire, s’opposant ainsi à son intégration.
Les parents d’Emma ont recouru auprès du conseil scolaire qui a admis le recours. La commune, en revanche, a porté la décision devant l’instance supérieure et a eu gain de cause devant le Conseil d’État. Avec le soutien de we claim, la famille s’y est opposée devant le tribunal. Après le rejet par le Tribunal administratif cantonal, le recours a finalement été porté devant le Tribunal fédéral.
Tout au long de la procédure nationale, l’effet dit suspensif s’est appliqué. Cela signifie qu’Emma a continué à bénéficier d’un enseignement intégratif pendant toute la durée des procédures, jusqu’à la décision définitive. Elle fréquente donc encore aujourd’hui l’école ordinaire. Les mesures nécessaires à son intégration ont été identifiées et mises en œuvre. Après des défis rencontrés au début, le dispositif intégratif mis en place ainsi que la collaboration entre les personnes enseignantes et d’encadrement ont bien fonctionné. Dans son quotidien scolaire, Emma est accompagnée en particulier par une assistance de classe et bénéficie d’objectifs pédagogiques adaptés. Les craintes du conseil communal (par exemple des charges organisationnelles et en ressources très importantes, une surcharge ou des démissions du personnel enseignant) ne se sont pas confirmées.
Malgré ces circonstances, qui démontrent une intégration réussie, le conseil communal a persisté tout au long de la procédure dans son opposition à l’intégration d’Emma. Ce cas illustre le fait que les autorités scolaires partent souvent du principe erroné selon lequel les enfants en situation de handicap seraient mieux pris en charge dans une école spécialisée.
Après la décision du Tribunal fédéral, la famille a déposé en octobre 2025 une communication auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Avec l’arrêt du Tribunal fédéral, le placement en école spécialisée serait en principe devenu effectif. Toutefois, à la suite du dépôt de la communication, le Comité a immédiatement ordonné le report de la séparation jusqu’à ce qu’il ait examiné le fond de la plainte. Par cette décision, le Comité souligne que la pratique suisse de la séparation scolaire des enfants en situation de handicap doit faire l’objet d’un examen approfondi.
*Nom modifié
Recours auprès du Comité des droits de l’enfant de l’ONU
Rejet du recours par le Tribunal fédéral 
Recours auprès du Tribunal fédéral
Rejet du recours par le Tribunal administratif du canton d’Argovie
Recours auprès du Tribunal administratif du canton d’Argovie
Admission du recours du conseil communal par le Conseil d’État du canton d’Argovie
Recours du conseil communal auprès du Conseil d’État du canton d’Argovie
Admission du recours par le conseil scolaire du district
Recours auprès du conseil scolaire du district
Décision du conseil communal ordonnant la scolarisation séparative dans une école spécialisée
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